vendredi, avril 29, 2005

La pomme de Christine

Je parle des petites maigrichonnes de l'école qu'on associait à la pauvreté. Pourtant, j'étais ronde et on ne m'associait pas à la richesse. En faim...

Les maigrichonnes auraient pu s'envoler dans les airs; elle était-tu donc mignonne, la soeur volante ! Certaines petites étaient choyées par les maîtresses, ça dépendait de la rue d'ou elles sortaient. Ce n'est pas tellement sur les os que le jugement était porté, mais sur les vêtements que les os portaient.

Je n'étais pas maigre, ni moyenne; j'étais la toutoune. On sait ce que ça veut dire la toutoune dans la cour d'école. Mais comme j'étais toutoune, je mangeais à ma faim, donc ce n'était pas moi qui aurais pu voler la pomme de Christine.

En effet, un jour, Christine, petite pimbèche déjà à 6 ans, avait apporté une pomme toute rouge luisante. Les pommes comme les maîtresses aiment exhiber sur leur pupitre (elles mangent quand même des chips en cachette). Et elle en apportait évidemment une à la maîtresse (elle mourait de faim ou quoi ?) Et là, la maîtresse pâmée... le spectacle durait durait et durait, j'en avais hâte de faire du calcul.

Un matin, Christine avait oublié sa pomme dans son pupitre avant la récréation; au retour : les hauts cris... plus de pomme...

À l'ordre de la maîtresse (surnommée affectueusement Alice le Groin - excusez cette vieille allusion à Popeye le vrai marin, Pou-Pou ! - ) toutes les élèves ont ouvert leur pupitre. La pomme était rendue dans le bureau d'une vraie maigrichonne ! Les murmures, les blâmes des filles de la classe, les insultes et les coups d'Alice le Groin ... toutes les filles regardaient la voleuse avec une main sur la bouche, OH ! Que deux ou trois visages qui ne réagissaient pas, et je comprenais que ce soir-là, ces filles allaient elles aussi cajoler leur toutou.

En mon for intérieur, la voleuse n'était pas coupable. Et le soir, je faisais place à Alice le Groin et soignais mon toutou magané.



Alice the Goon ou Alice le Groin, ma première maîtresse.