jeudi, avril 21, 2005

Retour sur "Il n'aurait pas dû"

Un déclencheur en apparence banal et voilà que surgissent certains souvenirs. Ce thème du Coïtus Impromptus, je l'envisageais à prime abord de façon plutôt ludique, mais cette fois-ci, je me suis commise à creuser un événement dont le souvenir s'était évaporé. Est-ce préférable d'oublier un événement qui, somme toute, a été plus important dans notre perception que dans la réalité ?

En écrivant ce texte hier, je tremblais encore. L'émotion était encore là, me tenaillant au plexus. Je n'ai jamais pu raconter cette histoire vraiment comme je la sentais; d'ailleurs, on aurait ri de cette situation, et ça me serait apparu déplacé, j'aurais sali cette histoire, je l'aurais désacralisée, oui c'est ça, je touche cette émotion, je la sens intense en ce moment et je la dis, je l'aurais profanée, cette histoire, en la racontant. Les taquineries l'auraient vulgarisée en annonce de bière ou ça cruise. Donc, je me suis tue.

J'ai connu deux accoucheurs, seulement deux hommes m'ont fait trembler. Lui a été le premier et le seul pour qui je me suis évanouie. Comme Roxane à la lecture de Cyrano.

Ça ne se qualifie pas par "ami", "chum", encore moins par "amant", par "connaissance", par "relation". Je n'ai aucune idée du qualifiant. Un prof, ça c'est sûr. Peut-être bien Pygmalion. Oui, Pygmalion, ça doit être ça. Je pense que j'ai toujours eu un désir très fort d'être pygmalionisée. Le sexuel n'a alors aucune importance; il revêt une autre symoblique.

Rien de direct, tout en pas feutrés, presque à la limite du religieux, le tout dans un silence, une discrétion, dans le geste, sans aucune vulgarité. Jamais dans la terreur, jamais dans la désobligeance, jamais dans le vulgaire des cruising bars. Trop pur, trop digne, trop beau.

C'est bien l'inhibition qui m'a fait m'évanouir. Une chasteté qui nous rend fébrile. Quand le corps ne répond plus aux émotions et qu'il préfère fuir. Suis-je née au bon siècle ?

Enfin. Passion exige excès.

Je me rappelle de ce séminaire de maîtrise ou nous étions trois dans la classe : lui, un autre étudiant et moi.

Je m'étais assise à l'opposé. Le plus loin possible dans cet espace restreint. Je tremblais trop, je n'arrivais pas à contrôler cette émotion qui faisait sa loi dans mon corps. Je devais être frissonnante comme un poulet qui vient de naître. Et je me sentais déplumée. Le coeur battait fort, en palpitations parfois. D'autres, en ces moments, s'amusent follement. S'ébouriffent les plumes comme un paon. Moi, j'étais plutôt une petite poulette naissante et toute trempée. Chicken.

Je ne prenais aucune note, ne pouvant tenir mon crayon tout simplement. J'étais pétrifiée.

Il voyait ma fébrillité. Mon inhibition. Mon émotivité exacerbée. Ma fragilité. Tout ce que je détestais chez moi et que je tentais de cacher. Non, inutile de cacher, il fallait tout simplement fuir à partir de là, je détestais son regard. Et à la fois le désirais, ce regard.

Les minutes se déroulaient si lentement. Il me semble que ce séminaire tournait en rond, était inutile. Il m'a demandé de m'approcher de lui. Encore.

Je me suis approchée.

Les sueurs se sont mises à couler le long de mes vertèbres lombaires. Des mèches de cheveux sur mon front étaient mouillées. Je suis sortie de classe, en ne m'excusant même pas, et je me suis écrasée dans les toilettes des filles...

Non, je ne vais rapporter ici aucun détail "croustillant". Ça ne se bouffe pas comme des chips Bar-B-Q. Ça se passe de détails pornos, ça se passe de détails avilissants.

Personne n'a rien à cirer des aventures pudiques d'une jeune adulte. C'est inutile de sombrer dans l'écriture de ces délires. Mais je ne "delete" pas. Car à la fois, je devrais "deleter" l'émotion. En fait, ça serait sûrement la meilleure solution, mais comme j'en doute...