lundi, avril 18, 2005

L'horloge me donne des gifles à coups d'aiguilles, je me presse, je dois réfléchir comme on fait un pipi en vitesse quand la cloche de l'école va bientôt sonner. J'écris dans cette contrainte, chaque matin.

La réflexion est contraignante car elle est contraire à notre mode de vie, elle se fait dans la lenteur; on lit, on pèse les mots. Surtout la poésie. On écrit, après avoir mis en place la suite lisible qui révélera le mieux possible le senti. Dire, c'est long. C'est comme un travail d'horloger. Lui, il prend le temps à deux mains. Un travail de minutie qui ne peut être une course contre la montre.

Imaginez l'espace d'un vers; et le temps qu'il a fallu pour l'avoir écrit pour qu'il prenne sa petite place.

Mon frère fêtera bientôt son 50e anniversaire. La famille lui offre une horloge grand-père en cadeau. Au premier niveau, c'est banal. Pas dans la symbolique. À vrai dire, c'est sur le temps de sa vie qu'il a construit sa maison, sa famille, élevé ses enfants, accompli son travail, accumulé ses biens. Comme il aura 50 ans, ça veut peut-être dire que le temps lui appartiendra un peu plus au cours des prochaines années, et paradoxalement, un peu moins. Enfin, ça lui donnera peut-être le temps d'autres désirs. Et le balancier lui indiquera que ses désirs se font urgence.

Je ne suis pas sûre que cette symbolique soit la même pour lui; le temps, pour mon frère, est également quelque chose de précieux, et je pense qu'il en a une conscience encore plus aiguë que moi; mais il en a moins gaspillé. Moi, le temps, par curiosité, je le regardais couler comme sable entre mes doigts, et ça me fascinait. Ça me fascinait et me terrorrisait. Je me regardais en train d'être terrorrisée. Pensant qu'on peut retenir le temps quand on le regarde... Ou quand on se regarde, comme si ça immortalisait que de se regarder regarder le temps...

Fini cette époque. La cloche va sonner bientôt. Je dois partir. À suivre.