mercredi, avril 13, 2005

Des grèves sporadiques

Dans leurs revendications, les enseignants sont appuyés par l'opinion publique. La population est donc bien informée que les écoles manquent d'orthopédagogues, de psychologues, de psycho-éducateurs pour soutenir les jeunes ayant des problèmes comportementaux ou d'apprentissage.

Deuxième grand point : les classes débordent. Un climat de classe favorable à l'apprentissage est possible dans une classe de plus de 30 élèves, moyennant une discipline militaire. Les enseignants ne sont pas formés dans l'armée. Désormais que les jeunes en troubles d'apprentissage sont réintégrés, ceux-ci siphonent littéralement toute l'attention de l'enseignant et démotivent les élèves qui fonctionnent bien. Depuis les années 70, beaucoup d'énergie a été investie en classe pour les élèves défavorisés, par souci de démocratie, mais combien de jeunes motivés avons-nous laissés de côté pour tenter de rescaper les plus difficiles?

Il serait temps que les jeunes en difficulté profitent de ressources particulières et que les enseignants s'occupent enfin de ceux qui vont à l'école pour apprendre. Les enseignants n'enseignent plus, ils éduquent.

Certains s'offusquent du nombre de jours de classe chaque année, des trop longues vacances, des heures d'enseignement officielle pendant une semaine : en vérité, la moyenne des heures passées avec les élèves s'élèvent chaque semaine à environ 16 heures. Comptez deux heures de récupération. Comptez trois heures à régler les cas disciplinaires. Comptez les deux heures de retenue et de gestion de comportement. Comptez, en moyenne, trois heures de correction. Comptez en moyenne pour une étape cinq heures/semaine de planification, de photocopie, de recherche de matériel pertinent. Comptez les appels aux parents. Comptez l'heure de surveillance hebdomadaire. Comptez les heures de réunion. Je ne compte évidemment pas les heures passées à compiler les notes à la fin d'une étape, c'est le pic. On en est bien minimalement aux 32 heures officielles, comme tout bon citoyen qui occupe n'importe quel autre travail, dont 16 heures passées en classe, ou le stress est particulièrement élevé. Les journées pédagogiques, obligatoirement de 6 heures passées à l'école à faire des réunions, des mises à jour sur la réforme, des échanges avec les équipes-écoles représentent des journées de trève d'argumentation, de chiâlage, de chahutage, de bruit et de sermons moralistes.

Bon, ça cloue le becs des mauvaises langues. Mais il y en a de moins en moins...

Les fabuleuses vacances d'été ne sont pas payées; le salaire est seulement réparti sur 12 mois plutôt que 10.

Si je n'aimais pas les adolescents, je ne ferais pas ce métier. Le plus grand salaire pour l'enseignant est de voir un élève heureux d'apprendre, de créer, de participer, de s'épanouir. Seulement, les cas plus difficiles entraînent souvent un sentiment d'échec, premier pas vers l'épuisement professionnel. Les cas de troubles comportementaux ne sont carrément plus acceptables dans les classes.

Je fais ce travail par égoïsme : l'enseignement n'est pas une routine; source de très grandes déceptions, il procure en même temps de très grandes satisfactions. C'est ma thérapie personnelle. Parmi nos 32 élèves, au moins la moitié veut vous faire craquer. On résiste au reflet cruel qu'ils nous renvoient, aux impolitesses, à la vulgarité, aux intimidations, jeu qui finit par faire place à du respect, à coups de sermons. Parfois on échoue, parfois on réussit. Puis on passe à la vocation pour laquelle nous avons été formés : transmettre le plaisir du travail intellectuel.
Il s'agit simplement de ne pas se laisser emporter par l'inertie de nombreux élèves, qui ne voient pas l'importance de l'école dans leur vie.

J'hésitais : grève ou pas grève? Je réponds oui. Le respect de l'enseignant doit reprendre sa place, comme celle qui revient aux parents.

Comme la profession est difficile, elle est encore plus attrayante. On a la sensation de vivre. Mais ne tuons pas dans l'oeuf la vocation des enseignants, qui trop souvent abandonnent la profession dès les premières années de pratique. Pourtant, deux mois de vacances !!!!!!!

Oui, les contribuables paient nos salaires. Mais ils paient aussi les 50 % de frais des écoles privés des petites-filles petits-garçons-fils-d'avocats-d'avocates-de-médecins-et-de-cadres-professionels qui fréquentent l'école privée. De l'argent volé à la classe moyenne pour les mieux nantis. Ça, c'est voler. Et qu'on arrête de téter les votes du côté des minorités ethniques, en subventionnant à 100% leurs écoles, dont un grand nombre est anglophone !!!