jeudi, octobre 20, 2005

Pour toute lucidité...

... ma vision sur le virage à droite du moment. Voici Bérenger dans le Rhinocéros de Ionesco.

Bérenger :

C'est moi, c'est moi. (Lorsqu'il accroche les tableaux, on s'aperçoit que ceux-ci représentent un vieillard, une grosse femme, un autre homme. La laideur de ces portraits contrastent avec les têtes de rhinocéros qui sont devenues très belles. Béranger s'écarte pour contempler les tableaux.) Je ne suis pas beau, je ne suis pas beau.(Il décroche les tableaux, les jette par terre avec fureur, il va vers la glace.) Ce sont eux qui sont beaux. J'ai eu tort ! Oh ! comme je voudrais être comme eux. Je n'ai pas de corne, hélas ! Que c'est laid, un front plat. Il m'en faudrait une ou deux, pour rehausser mes traits tombants. Ca viendra peut-être, et je n'aurai plus honte, je pourrai aller les tous retrouver. Mais ça ne pousse pas ! (Il regarde les paumes de ses mains) mes mains sont moites. Deviendront-elles rugueuses ? (Il enlève son veston, défait sa chemise, contemple sa poitrine dans la glace.) J'ai la peau flasque. Ah, ce corps trop blanc, et poilu ! Comme je voudrais avoir une peau dure et cette magnifique couleur d'un vert sombre, une nudité décente, sans poils, comme la leur ! (Il écoute les barrissements.) Leurs chants ont du charme, un peu âpre, mais un charme certain ! Si je pouvais faire comme eux. (Il essaie de les imiter.) Ahh, ahh, brr ! Non, ce n'est pas ça ! Essayons encore, plus fort ! Ahh, ahh, brr ! non, non, ce n'est pas ça, que c'est faible, comme cela manque de vigueur ! Je n'arrive pas à barrir. Je hurle seulement. Ahh, ahh, brr ! Les hurlements ne sont pas des barrissements ! comme j'ai mauvaise conscience, j'aurais du les suivre à temps. Trop tard maintenant ! Hélas, je suis un monstre, je suis un monstre. Hélas, jamais je ne deviendrai rhinocéros, jamais, jamais ! Je ne peux plus changer. Je voudrais bien, je voudrais tellement, mais je en peux pas. Je ne peux plus me voir. J'ai trop honte. (Il tourne le dos à la glace.) Comme je suis laid ! Malheur à celui qui veut conserver son originalité ! (Il a un brusque sursaut) Eh bien, tant pis ! Je me défendrai contre tout le monde ! Ma carabine, ma carabine !(Il se retourne face au mur du fond où sont fixées les têtes de rhinocéros tout en criant :) Contre tout le monde, je me défendrai ! Je suis le dernier des hommes, je le resterai jusqu'au bout ! Je ne capitule pas !

Rideau

1:

At 2:47 a.m., Anonymous Anonyme said...

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