jeudi, mai 19, 2005

Helena

En répondant à un commentaire de Julie, m'est revenue à l'esprit une collègue de travail d'origine roumaine, la première qui m'ait attirée à mon école. Il y a de ces personnes-baumes sans qui il nous serait impossible de survivre.

Je suis passablement intriguée par les gens discrets, distingués, voire légèrement hautains. Il se trouve qu'Helena correspond à ce profil, sans toutefois faire preuve de snobisme. Les Européens sont souvent très "class". De leur côté, ils aiment la spontanéité québécoise.

Aucune suffisance de son côté après des études avancées en mathématiques poursuivies en Roumanie. C'est en 1987 qu'elle a fui le régime Caeucescu, pour venir s'installer au Québec. Évidemment, on ne lui a pas reconnu ses diplômes, elle ne s'en plaint même pas et trouve cette exigence tout à fait "normale". Elle a repris son baccalauréat il y a 15 ans, alors qu'elle devait avoir autour de 40 ans. Il lui a fallu attendre quatre années avant d'obtenir son passeport de la Roumanie, sauvée par le traité d'Helsinski. Toute sa famille, quand même scolarisée, a fui le Roumanie à partir du début du régime totalitaire.

Si vous n'avez jamais rien lu d'absurde et de cruel, jetez un coup d'oeil sur Les Carnets secrets de madame Caeucescu, publié aux éditions Gallimard. Vous rirez au début mais aurez vite la nausée. À ce sujet, Helena, qui n'avait jamais pu mettre la main sur cet ouvrage, m'a affirmé que "ce n'est que la pointe de l'iceberg". J'avais peine à y croire.

Finalement, je demeure étonnée d'une si grande culture, cette femme maîtrise quatre langues, elle décrit merveilleusement les personnes, en fait une analyse judicieuse et fait quand même preuve d'humilité. Elle a étudié dans une université prestigieuse de Roumanie, là d'ou sortent les cerveaux de la nation, et critique vertement tous les doctorats honoris causa accordés à madame Caeucescu, par la force, bien entendu, dont un doctorat en chimie. Madame Caeucescu était apparitrice dans un labo.

Nous échangeons souvent nos analyses sur le groupe que nous partageons; en effet,ces élèves font preuve de problèmes d'apprentissage, l'école entière est au courant. Après lui avoir affirmé que l'école au Québec nivelle par le bas, elle m'a répondu : "Ça va venir, nous vivons dans un jardin de roses". Elle ne pose pas un regard de dédain sur les écoles d'ici.

Très observatrice, Helena sent bien les élèves et trouve ainsi le respect. Bien entendu, elle est réputée pour être une enseignante exigeante, mais les groupes enrichis ne s'en plaignent pas. Tous les midis, son local est ouvert et les élèves y accourent pour de la récupération. Madame n'accepte pas n'importe quoi de la part des élèves, et elle a bien raison. Ainsi, est-ce une richesse que des enseignants étrangers se faufilent dans notre système éducatif.

Bref, il s'agit d'une enseignante qui recherche plutôt la compétence que la popularité, espèce en voie de disparition dans nos écoles. Elle est un modèle pour moi; car la popularité, c'est bien joli, mais ça ne forme pas les cerveaux, ce que souvent nous oublions comme enseignants du secondaire. Je mets ça dans ma pipe, car je tombe trop souvent dans le panneau de désirer être une prof "cool", attentive, quand le but premier de l'école est de former des adultes compétents. Helena est devenue une espèce minoritaire dans les écoles.

Pourtant, plusieurs enseignants "populaires" de l'école la critiquent, voyant en elle une personne trop abstraite pour des adolescents. Je le répète : malheureusement, les enseignants se transforment trop souvent en humoristes de bas étage pour se rendre intéressants. Et je ne suis pas certaine que les résultats soient probants. Très peu pour moi, les Denis Drolet; c'est de la néo-québécitude.

1:

At 6:56 a.m., Blogger Julie Kertesz - me - moi - jk said...

Helena, voilà une femme que je voudrais aussi bien rencontrer,

et bien sûr toi ! Si il y a "de ces personnes-baumes" c'est bien toi !

As-tu lu, dans mon "il y a de la vie", le récit "la femme du dauphin"? Je n'ai pas voulu donner assez d'importance à Elena C. pour lui donner une titre de note... c'est mon rencontre avec elle. C'est le récit de comment je me suis décidée de quitter tout là-bas. Au moins, une partie.

Je suis échappée, vivante, mais j'avais toujours peur : elle n'était pas celle qui oublie la moindre "offence". Et puis, avoir à la rigeur un témoin qui a terminé les même études qu'elle était censé de faire... en même place... probablement c'était trop pour la dame, qui a intrigué toute sa vie, mais je ne crois pas qu'elle a mise la main sur une éprouvette (de chimie) jamais.

Il y a deux ans, j'ai parlé d'elle, Carte Blache à Autobiographie, avec le thème "ma chance dans la vie: je l'ai rencontré, j'ai dû partir, et tout c'est ensuivie : j'ai pu vivre dans des pays libres.

Quand je suis en bas, je trouve toujours en toi quelqu'un à me sourire, me tendre la main...

Quand au départ, j'avais compris que tu avais été en Mexique, non ?

 

Publier un commentaire

<< Home