lundi, mars 28, 2005

Sténo

Elle croit qu'elle n'existe pas et qu'elle ne peut parler. Elle écrit pourtant, ses doigts se promènent agilement sur le clavier, sténodactylo de première classe jadis. Ne pouvait être écrivaine et devenue sténodactylo, excellente sténo, doigts agiles en guise de paroles qui appartenaient à Autre. Langage fascinant que sténo, elle l'aimait car il était codé. Sans elle, personne ne pouvait déchiffrer, scribe au bout de la table, divinatrice, sorcière. Elle tenait le secret des mots dits, ajout à la fascination d'un jargon propre à elle-même.

Elle tapait pour retenir les mots qui fuient, pour les masser, les manipuler, c'était sa façon à elle de se les approprier. C'était sa façon à elle de marquer sa réalité, les doigts impatients devant ceux qui parlent, qui brouillonnent; elle avait le loisir de les peser, de les enfoncer, comme les touches du clavier. Et d'inscrire un point ici, une virgule là, c'était alors sa liberté. Et le point final lui appartenait. Le roman qu'elle voulait écrire était par elle ponctué de désirs refoulés.