Combat de coqs
C'était en 2003, à la veille de Noël. La République dominicaine semble une destination banale, mais ça dépend toujours ou on se retrouve.Près de Sosua, une ville ou le tourisme sexuel est populaire auprès des Allemands, près de la rivière se trouve le "Tablon". À Noël, en République, on entend du bachata au tablon, les boîtes crachent ce rythme obsessionnel partout. Lors de ma première journée au Tablon, me promenant près de la rivière pleine d'ordures en tout genre, je vis des coqs se promenant au milieu d'un chemin de terre en guise de rue. Mon compagnon, qui maîtrise bien l'espagnol, a engagé, grâce à mon insistance, la conversation avec le propriétaire de ces petites bêtes dont certaines étaient attachées à des clôtures. L'homme s'appelait Camillo; il en profita pour nous présenter ses coqs dont Japones (haponé); il s'appelait ainsi parce qu'il lui manquait des plumes sur la tête; il nous présenta aussi sa femme Anna-Maria et ses trois filles. Je sentais qu'il pouvait nous pister sur la route des combats de coqs, événement très courant en Amérique latine, activité encore plus populaire que le combat de chiens (de chiens, je n'aurais pu y assister !).C'était organisé : le jour de Noël, le 25, on partait en moto à 14 h pour Bella Vista à un combat de coqs. C'était notre première journée en République. Nous étions trois sur la moto, mais on peut même être cinq à chevaucher ces machins.Belle promenade... J'ai compris le sens du nom "Bella Vista". Mais le touriste ne s'y rend jamais. Les Dominicains nous regardaient avec de grands yeux, surtout les enfants. Arrêt à un magasin général... "Ils nous ont parlé", disaient les petits, comme si un extraterrestre les avait rencontrés. Jamais vu de touristes les petits.Après avoir demandé au moins 20 fois à Camillo : "Esta lejos?", nous avons fini par voir une grange ou se déroulaient les fameux combats. Retirée en forêt. Une foule d'hommes et d'enfants se tenaient là, en effervescence. Quelques femmes avaient accompagné leur mari. Je parlais toujours aux enfants qui semblaient fascinés par nous davantage que par les coqs.J'ai pris en photo tout le rituel de préparation des coqs... on panse leurs pattes, on appose un crochet de métal à leur ergot... C'est la ballade des massages de pattes et la pesée des bêtes.L'excitation monte. Après la première gageure, deux coqs sont placés face à face au milieu de l'arène. Tout autour, on crie, hurle, frappe sur les bancs. Il s'agit d'un combat très émotif, comme à l'époque ou Gigi le Grec rencontrait les Poudrés d'Hollywood. Mais il devait y avoir un grand perdant. Se battre à mort est inné chez le coq. Au premier contact, leurs plumes autour du cou se dressent et forment un collier autour de la tête, tentant ainsi d'impressionner l'opposant. Puis, l'un saute, tout ergot métallique en l'air, l'autre attrape le coup de métal, saigne, se venge; on crie, on hurle, le voisin tape sur le banc, on sursaute; un autre coup d'ergot de métal, même scénario et ainsi de suite, jusqu'à ce que le "faible" tombe sous le coup de métal fatal.On s'échange les pesos. Ça recommence. Un coq tout blanc cette fois-ci perd la bataille. Je ne décris pas le spectacle.À la fin, soit après une bonne dizaine de combats, les fermiers pleurent leurs dépouilles. On ne les mange pas, c'est un mythe. Impossible de manger un coq qui nous a fait vivre pendant des années, nous et notre famille.On retourne au Tablon en moto. Camillo est fier : son coq rouge a remporté la bataille. Sa fille pourra retourner à l'école en janvier.
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