samedi, mars 05, 2005

Chichen Itza, deuxième cycle de vie

Du collectif Coïtus Impromptus

J’écris ici, dans la caverne du Cenote – une caverne dans laquelle un lac en apparence clément a ressurgi de terre au cours du premier cycle de vie – pendant que les oiseaux poussent des cris qui se répercutent sur la roche; l’ensemble produit un climat somme toute assez lugubre et m’empêche de croire que l’humain est un lieu de repos, et pourtant je cherche en moi quelque chose de paisible. Au fil des mots, le Seigneur de la Mort a ressurgi des eaux et braque sur moi les yeux de sa tête, puis en ma direction les yeux de ses victimes emportées vers le Monde inférieur. Plus de 1000 membres oculaires sont collés à ses pieds, ses jambes, son ventre, ses cheveux, et me regardent tous à la fois, terrorisés. Les doigts boudinés et gluants du monstre veulent m’attraper, et cet énorme magma jusque là reclus sous l’eau du cenote cherche désormais à m’empoigner. En raison de la fascination du pire, il finit par m’obséder pendant que je veux pourtant trouver sérénité près de cette eau bleue encre.

La lumière n’entre dans le cenote que par une minuscule entaille dans la roche. Encore que si les cris stridents des oiseaux cessaient, pourrais-je y trouver un fantastique imaginaire de dieux s’adonnant à une danse de la paix. Mais au fil des mots, ce n’est plus cette symphonie lugubre – peut-être des quetzals –qui me fait tressaillir, mais bien les hurlements d’une foule en délire provenant du site des temples-pyramides. Une foule chante et crie, pendant que l’être supérieur – le roi – est entré en transe. Une transe qui me fait tressaillir dans les tréfonds d’un cenote tueur.

Vers le centre de la cité, les chacs, bourreaux des sacrifices réunis autour de l’autel, tiennent par les membres un enfant orphelin qui errait depuis quelques années dans les environs. Des cris s’ajoutent à ceux des oiseaux, de la foule et des élucubrations du prêtre. Le chant hypnotique du chaman incite à faire plaisir aux dieux. Sur les eaux brouillées et rouge sang du lac, je vois l’enfant terrorisé à qui on a arraché le coeur. Les cris montent en crescendo, je suis ahurie et mon stylo bleu dévale au pied du monstre bouffi et heureux.

Le deuxième cycle de vie s’achève. Je n’ai pu trouver un coin de tranquillité au creux de cette caverne, en raison de la fascination du pire.




Photo tirée de : www.mayanroutes.com/ images/dzitnup.jpg

1:

At 4:52 p.m., Blogger Chantal said...

Oh quel beau commentaire, je t'en suis très reconnaissante. Très profond, ces propos.

 

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